Se sachant condamné par une maladie dégénérative qui le privera bientôt de ses facultés mentales, un homme achète un aller simple pour la Suisse. Ainsi qu’il l’explique, il n’a pas peur de mourir, mais de perdre les plaisirs de la vie. Il refuse d’imposer son corps aux autres.
La veille de son départ, il expédie une lettre à son plus vieil ami. Une lettre, pas un message internet. Il ne veut pas que cet ami, Pierre, interfère sur sa décision. Il souhaite qu’il en prenne connaissance en prenant son temps. Sans drame. En la lisant sur des feuilles de papier qui ne disparaîtront pas avec la lumière d’un écran. Ce sera son cimetière et sa tombe. La trace matérielle de ce que fut son existence. Le dernier plaisir qu’il se sera donné. Plaisir de l’amitié. Plaisir de partager.
La lettre contient un secret qu’il a toujours gardé pour lui. Un secret de famille, secret intime. Ce qu’il a découvert, tardivement. Qui explique une partie de sa personnalité que nul n’a vraiment soupçonnée.
La missive se découpe en deux parties qu’il appelle « mouvements ». Le premier consacré au prénom que lui donna sa mère, à la fois signe et moteur de tant de choses. Elle voulait une fille. Elle se l’est donnée à travers lui.
Dans le second mouvement, il revient sur sa vie d’adulte. Le prénom s’estompe. Ne s’efface pas une autre parole. L’homme, enfant de mots qu’il ne maîtrise pas. Une condition « humainement personnelle ».
Daniel Serceau, docteur d’Etat, Professeur émérite à l’université de Paris I, Panthéon-Sorbonne. A travaillé comme directeur et programmateur de salles art et essai, assistant-réalisateur, réalisateur et critique. Outre de nombreux articles, auteur de monographies sur Kenji Mizoguchi, Nicholas Ray, Jean Renoir, de trois ouvrages consacrés à la théorie du cinéma, et de cinq autres sur les sujets suivants : le métier d’exploitant, le jeune cinéma français, l’érotisme, l’école au cinéma et la question scolaire.
Un roman, Les 7 vertus de Marie. Dernière parution (2003-2004) : Jean Renoir et la pensée des cinéastes, l’exception d’une sagesse, 3 tomes.